Oscillant entre fable politique et comédie dramatique, Uccellacci e uccellini nous fait suivre les pas d'un père et de son fils au long d'une pérégrination sans véritable but dans une Italie en proie à la pauvreté que Pasolini situe quelque part entre Istanbul et Cuba. Une Italie à la croisée de l'ancien et du moderne où bretelles d'autoroutes et imposants immeubles semblent jaillir de nulle part. La bouffonnerie chaplinesque des deux personnages principaux est quelque fois interrompue par quelques relents tragiques, le temps d'un enterrement ou d'une visite chez les pauvres. Mais au centre de l'histoire, on retrouve surtout la rencontre avec ce corbeau doté de parole, exposant ses paradigmes au fil d'un soliloque politique marqué par des références à Marx, Freud et Gandhi. Un corbeau dépeignant le caractère d'un intellectuel de gauche marqué par la foi, qui n'est que raison et parole par opposition à ses deux comparses hédonistes et insouciants. Un corbeau pouvant être vu comme le double politique de Pasolini, celui-ci prenant alors conscience de la difficulté de son rôle d'artiste engagé, des limites à son action et des voies à ne pas emprunter. Au-delà de cette opposition, au fil d'un récit qui nous plonge à l'époque du moyen-âge, on retrouve l'engagement chrétien d'un Pasolini nous signifiant pas le biais de Saint-Francois la nécessité d'inculquer également au peuple le communisme (pour faire court). Un apprentissage qui tourne à la faillite dans le cas de ce corbeau sans doute trop éloigné du peuple pour y comprendre quelque chose. Une distance que Pasolini réfutera en tentant d'allier constamment "culture haute" et "culture basse", achèvements artistiques élevés et pédagogie de masse, à la fois poète intellectuel et peintre de l'homme en ce qu'il a de plus "vivant", réussissant ici la juxtaposition d'un humour dépeignant à merveille notre humanité en ce qu'elle a de plus simple et une intéressante réflexion politique.
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