vendredi 13 avril 2012

Au hasard Balthazar (Bresson, 1966)

Au détour d’une maison de vacances, on entrevoit l’enfance heureuse, l’amour naissant. Le restant du chemin sera celui menant à la mort, la boucle est bouclée. 1h30 pour assister à une évocation du mal dans le monde par le biais d’une douceur sainte, un âne se révélant plus spirituel que le monde qui l’entoure. Le regard de Bresson est d’une noirceur rare : en effet, ici, l’émotion ne naît pas des rouages manipulateurs habituels du cinéma, mais se développe par sa profondeur, sa simplicité, sa pureté. Le dépouillement extrême confère à cette étude sur la cruauté une rigueur totale, une justesse éternelle. Réduits à de simples détails, les dialogues ne sont plus que des ornements atonaux laissant place à l’essence du cinéma, l’image et le mouvement, la photographie. Et quelques fois cette superbe musique de Schubert qui rompt la sécheresse du constat amer de Bresson, l’espace de quelques instants fugaces. Face à cette austérité quasi-totale, l’immersion se travaille et se mérite pour comprendre et accéder à la grâce qui se dégage de cette peinture d’une société matérialiste où la spiritualité n’a plus sa place. Un chef d’œuvre intemporel.