vendredi 26 septembre 2008

Cioran: De l'inconvénient d'être né - Extraits choisis



Il ne faut pas s'astreindre à une œuvre, il faut seulement dire quelque chose qui puisse se murmurer à l'oreille d'un ivrogne ou d'un mourant.

Le vrai contact entre les êtres ne s'établit que par la présence muette, par l'apparente non-communication, par l'échange mystérieux et sans parole qui ressemble à la prière intérieure.

Chaque fois que cela ne va pas et que j'ai pitié de mon cerveau, je suis emporté par une irrésistible envie de "proclamer". C'est alors que je devine de quelles piètres âmes surgissent réformateurs, prophètes et sauveurs.

La clairvoyance est le seul vice qui rende libre - libre dans un désert.

[...] Après minuit commence la griserie des vérités pernicieuses.

[...] La vieillesse est l'autocritique de la nature.

Sans la faculté d'oublier, notre passé pèserait d'un poids si lourd sur notre présent que nous n'aurions pas la force d'aborder un seul instant de plus, et encore moins d'y entrer. La vie ne paraît supportable qu'aux natures légères, à celles précisément qui ne se souviennent pas.

La connaissance de soi, la plus amère de toutes, est aussi celle que l'on cultive le moins: à quoi bon se surprendre du matin au soir en flagrant délit d'illusion, remonter sans pitié à la racine de chaque acte et perdre cause après cause devant son propre tribunal?

Si l'on pouvait se voir avec les yeux des autres, on disparaitrait sur le champ.

Quand il m'arrive d' être occupé, je ne pense pas un instant au "sans" de quoi que ce soit, et encore moins, il va sans dire, de ce que je suis en train de faire. Preuve que le secret de tout réside dans l'acte et non dans l'abstention, cause funeste de la conscience.

L'unique confession sincère est celle que nous faisons indirectement en parlant des autres.

La conscience est bien plus que l'écharde, elle est le poignard dans la chair.

Après une nuit blanche, les passants paraissent des automates. Aucun n'a l'air de respirer, de marcher. Chacun semble mû par un ressort: rien de spontané, sourires mécaniques, gesticulation des spectres. Spectre toi-même, comment dans les autres verrais-tu des vivants?

Le bistrot est fréquenté par les vieillards qui habitent l'asile au bout du village. Ils sont là, un verre à la main, se regardant sans se parler. Un d'eux se met à raconter je ne sais quoi qui se voudrait drôle. Personne ne l'écoute, en tout cas personne ne rit. Tous ont trimé pendant de longues années pour en arriver là. Autrefois, dans les campagnes, on les aurait étouffé sous un oreiller. Formule sage, perfectionnée par chaque famille, et incomparablement plus humaine que celle de les rassembler, de les parquer, pour les guérir de l'ennui par la stupeur.

L'antidote de l'ennui est la peur. Il faut que le remède soit plus fort que le mal.

[...] La liberté sans limites est un attentat contre l'esprit.

Lorsqu'on nous rapporte un jugement défavorable sur nous, au lieu de nous fâcher, nous devrions songer à tout le mal que nous avons dit des autres, et trouver que c'est justice si on en dit également de nous. L'ironie veut qu'il n'y ait personne de plus vulnérable, de plus susceptible, de moins disposé à reconnaître ses propres défauts que le médisant. Il suffit de lui citer une réserve infime qu'on a faîte à son sujet, pour qu'il perde contenance, se déchaîne et se noie dans sa bile.

On ne désire la mort que dans les malaises vagues; on la fuit au moindre malaise précis.

Est libre celui qui a discerné l'inanité de tous les points de vue; est libéré celui qui en a tiré les conséquences.

A quoi la musique fait appel en nous, il est difficile de le savoir; ce qui est certain, c'est qu"elle touche une zone si profonde que la folie elle-même n'y saurait pénétrer.

La désagrégation morale lorqu'on séjourne dans un endroit trop beau. Le moi se dissout au contact du paradis.
C'est sans doute pour éviter ce péril que le premier homme fit le choix que l'on sait.

Gogol, dans l'expoir d'une" regénération" se rendant à Nazareth et s'y ennuyant comme "dans une gare en Russie", c'est bien ce qui nous arrive à tous quand nous cherchons au-dehors ce qui ne peut exister qu'en nous.

Vivre, c'est perdre du terrain.

Plus on vit, moins il semble utile d'avoir vécu.

Au cours des siècles, l'homme s'est échiné à croire, il est passé de dogme en dogme, d'illusion en illusion, et a consacré très peu de temps aux doutes, brefs intervalles entre ses périodes d'aveuglement. [...]

La connaissance n'est pas possible, et, même si elle l'était, elle ne résoudrait rien. Telle est la position du douteur. Que veut-il? Que cherche-t-il? Ni lui ni personne ne le saura jamais.
Le sceptisisme est l'ivresse de l'impasse.

[...] On ne peut réfléchir et être modeste. Dès que l'esprit se met en branle, il se substitue à Dieu et à n'importe quoi. Il est indiscrétion, empiètement, profanation. Il ne "travaille" pas, il disloque. La tension que trahissent ses démarches en révèle le caractère brutal, implacable. Sans une bonne dose de férocité, on ne saurait conduire une pensée jusqu'au bout.

C'est s'investir d'une supériorité abusive que de dire à quelqu'un ce qu'on pense de lui et de ce qu'il fait. La franchise n'est pas compatible avec un sentiment délicat, elle ne l'est même pas avec une exigence éthique.

Pour vaincre l'affalement ou une inquiétude tenace, il n'est rien de tel que de se figurer son propre enterrement. Méthode efficace à la portée de tous. Pour n'avoir pas à y recourir trop souvent dans la journée, le mieux serait d'en éprouver le bienfait dès le lever. Ou alors de n'en user qu'à des moments exceptionnels, comme le pape Innocent IX qui , ayant commandé un tableau où il était représenté sur son lit de mort, y jetait un regard à chaque fois qu'il lui fallait prendre une décision importante.

Personne n'a été autant que moi persuadé de la futilité de tout, personne non plus n'aura pris au tragique un si grand nombre de choses futiles.

Une société est condamnée quand elle n'a plus la force d'être bornée. Comment, avec un esprit ouvert, trop ouvert, se garantitait-elle des excès, des risques mortels de la liberté?

N'a de convictions que celui qui n'a rien approfondi.

A la longue, la tolérance engendre plus de maux que l'intolérance. Si ce fait est exact, il constitue l'accusation la pluis grave qu'on puisse porter contre l'homme.

[...] Avec du sarcasme on peut seulement masquer ses blessures, sinon ses dégoûts.

Un imposteur, un "fumiste", conscient de l'être, donc spectateur de soi-même, est nécessairement plus avancé dans la connaissance qu'un esprit posé, plein de mérites, et tout d'une pièce.

On voudrait parfois être cannibale, moins pour le plaisir de dévorer tel ou tel que pour celui de le vomir.

3 commentaires:

Parti Mou a dit…

HoHoHo
Qu'est-ce qu'on rigole
Chapeau mou

Le Bigorneau a dit…

lolololol

Un petit teste pour flooder sur cette partie pseudo-polluer par le leader du "parti mou"

Voyons voir ce que ça donne :D

Le Bigorneau a dit…

Bonjour, bonjour M. le vieux de 27 ans!!!

Je viens pour faire la promotion de travian... Par ce que c'est sympas, mais aussi qu'ils me font découvrire plein de vidéo "géniouls"!

Car je sais que M. Chinaski est fan de musique classique et de Mario Bross... Ces deux vidéos je vous les offre ;)

http://www.dailymotion.com/relevance/search/mozart/video/xsn13_mozart-en-roller-symph-n40-1er-mvt_fun


http://www.koreus.com/video/voiture-radiocommande-musique-mario-bouteille.html